En 1913, Panhard & Levassor est un
constructeur d'automobile renommé, mais confronté à une concurrence très
forte. Les comptes rendus du comité de direction nous montrent comment
s'affrontent les différents intérêts en présence pour parvenir à prendre
les décisions stratégiques engageant l'image et la pérennité de la marque.
La création de ce comité de direction fait suite à une récente
réorganisation des instances dirigeantes de la société, dans le but de
parvenir à réduire les frais généraux, qui grèvent le bénéfice distribué
aux actionnaires. Dans le nouveau dispositif ce comité
est chargé de prendre collectivement les décisions
relevant de la Direction Générale. Ainsi Arthur Krebs, Directeur général
depuis la création de la société en 1897, voit-il ses pouvoirs strictement
encadrés par les membres de cette nouvelle instance.
Le rôle des acteurs appartenant à ce comité
sont précisément et hiérarchiquement distribués. René
de Knyff, en tant que membre délégué du Conseil d’Administration, préside
le Comité. À 49 ans, de nationalité belge, rentier,
emblème des victoires de la marque en course, aux côtés d'Arthur Krebs depuis
12 ans, il est le représentant de Panhard & Levassor
auprès du public fortuné. Il est partisan d’une politique de modèles haut
de gamme.
Arthur Krebs reste Directeur général, mais il n’est plus le seul à prendre
les décisions. Ancien militaire, éminence grise de la société, il incarne
l’image de l’automobile rationnelle et de l’excellence de la construction
que possède la marque auprès du public averti. Il fait
porter le poids de son autorité sur tous les fronts, y compris sur celui de la
saine gestion.
Vient ensuite le jeune Paul Panhard en tant que Directeur
Commercial, en remplacement de Charles Dutreux, qui a
démissionné pour fonder Dunlop France avec l’ancien Président Adolphe
Clément. Après la mort de son oncle en 1908, Paul Panhard symbolise, avec son
cousin Hippolyte, le retour à l’histoire sacralisée de
la marque autour de son nom.
M. Rigolage remplace Charles de Fréminville à la Direction Technique. Il
revient à cet ingénieur de reprendre l’outil et les
méthodes de production mis en place par Krebs et son beau-frère, au fil des 15
ans d’existence de la société. Puisque de Fréminville
n’a pas voix délibérative au sein du comité, en cas de vote c’est
Rigolage qui aura le rôle d’arbitre entre Krebs et le
tandem de Knyff-Paul Panhard.
À 57 ans, la position de Charles de Fréminville, est des plus précaires au
sein de l’entreprise. Adjoint au comité, à titre
consultatif, c’est à lui que nous devons la rédaction de ces précieux
comptes rendus. Il est spécialiste des métaux et de la
méthode Taylor. Parlant parfaitement l’anglais, les questions internationales
lui sont spécialement dévolues.
À la lecture des 72 séances du Comité de direction,
accompagnées de 7 rapports de Production, nous assistons au jeu d’influence
complexe auquel se livrent ces acteurs et dont le but commun est de séduire cet
autre acteur, virtuellement présent, qu’est le tout
puissant Conseil d’Administration de la Société Anonyme
des Anciens Établissements Panhard & Levassor.
L’irruption de la guerre viendra interrompre brutalement
tous les projets patiemment élaborés, Arthur Krebs donner
sa démission pour prendre sa retraite, Paul Panhard devenir
Président-directeur Général et Charles de Fréminville
commencer une nouvelle carrière de conseil en Organisation Scientifique du
Travail.
Les comptes rendus proprement dits sont manuscrits. L'écriture de de
Fréminville étant très difficilement lisible, nous en proposons une
transcription, annotée principalement à l'aide de références aux comptes
rendus des séance du conseil d'administration.
Six rapports de production dactylographiés accompagnent
les Comptes rendus. Ils donnent de nombreux détails sur l’activité
des services, au point qu’ils apparaissent comme un véritable tableau de bord
général où chaque responsable rend compte de l’avancement
de ses tâches.
Nous tenons vivement à remercier Monsieur de Valance, président du Club
Panhard, qui a bien voulu nous autoriser à rendre public ces documents
exceptionnels.
Enfin nous mettons à la disposition des chercheurs le mémoire de Master II,
consacré à Arthur Krebs au travers de ces comptes rendus.